Tendances
Tenter de prédire ce que sera la lutte contre les marées noires de demain expose, comme toute prédiction, à se voir démenti par les faits. Mais plusieurs tendances sont aujourd’hui sans équivoque. On en mentionnera ici six particulièrement importantes.
Il faut savoir à tout instant ce qu’il en est réellement d’un navire en difficulté, sans se limiter à l’information que son capitaine transmet. L’expérience a montré que les capitaines sont soucieux avant tout de sauver leur navire et minimisent souvent le risque de pollution dans leurs déclarations. Que ce soit par des balises, des avions, des hélicoptères ou des satellites, la demande de la société est que l’autorité publique responsable de la sécurité maritime et de la lutte antipollution soit en mesure de voir ce qui se passe, pour décider, si nécessaire, d’intervenir quand il en est encore temps.
Il faut être capable de frapper vite et fort en mer, sans épargner les moyens, quitte à les réduire ensuite. La lutte contre la pollution du Prestige a clairement montré que cette lutte en mer peut être beaucoup plus qu’un simple plastron symbolique, pour peu que les vents et les courants veuillent bien lui donner un peu de temps. Cette lutte en mer est une attente forte des opérateurs économiques du littoral et du public. Elle peut encore susciter des difficultés en matière d’indemnisation des dépenses engagées.
Carte de prévision de dérive du fioul du Prestige, 27 janvier 2003, Golfe de Gascogne
Il faut un suivi de la pollution et des prévisions de ses mouvements sans faille. Les responsables de la lutte à terre, les politiques et le public attendent de la technologie moderne qu’elle soit capable d’annoncer précisément où, quand et sous quelle forme les nappes dérivantes vont atteindre le littoral. Ceci, afin d’avoir le temps de protéger les sites qui peuvent l’être et pour être en mesure d’engager les forces et les moyens de lutte disponibles vite et efficacement.
On n’hésitera pas à fermer temporairement l’accès des usagers aux plages ou l’exploitation de zones de pêche, à interdire la mise sur le marché de produits issus de cultures marines, voire à détruire des stocks de ces produits. En application du principe de précaution, nos sociétés attendent des autorités que toutes les mesures soient prises pour protéger l’usager, le professionnel et le consommateur contre tout risque pour leur santé.
On ne se limitera pas à nettoyer le polluant répandu : on réparera ensuite, dans toute la mesure du possible, les dommages faits à l’environnement par la pollution et par les opérations de lutte. Ceci s’applique aux sites, à la flore et à la faune et entre dans le domaine de l’indemnisable, pourvu que les travaux réalisés restent raisonnables en regard des dommages subis. La question de l’indemnisation des dommages environnementaux au-delà des dépenses de restauration reste par contre un sujet de débat.
On traitera les épaves pour éviter que le polluant piégé à l’intérieur ne constitue un risque pour le futur. Même si ces épaves sont loin des côtes et le risque à échéance de plusieurs décennies. Cette exigence, logique vis-à-vis des générations futures, sera elle aussi une source de conflits majeurs sur ses coûts avec les pollueurs vers lesquels on se retournera ensuite pour être indemnisé des dépenses engagées. On traitera par ailleurs intégralement les déchets ramassés, sans laisser de dépôts oubliés.