Qui paye ?

Il est aujourd’hui encore nécessaire de prouver qu’un navire pétrolier est coupable d’une pollution pour en obtenir réparation. Mais dans les eaux de tous les pays signataires de la Convention internationale sur la responsabilité civile, signée dans le cadre de l’Organisation Maritime Internationale par plus de cent pays (dont la France), un pétrolier qui déverse une partie de sa cargaison ou de son fioul de soute en mer pour quelque raison que ce soit est civilement responsable de l’indemnisation des victimes jusqu’à un certain plafond.

qui paye Hydrocarbures à la côte

Au-delà de ce plafond, l’indemnisation est assurée, selon des règles internationales, par le FIPOL, géré par les États membres et financé par des contributions obligatoires des importateurs de pétrole.

Les règles d’indemnisation du FIPOL

Toute dépense, toute perte doit avoir été effectivement encourue.

Toute dépense doit se rapporter à des mesures jugées raisonnables et justifiables.

Les dépenses, les pertes ou les dommages encourus par un demandeur ne sont recevables que dans la mesure où ils peuvent être considérés comme ayant été causés par la contamination.

Il doit y avoir un lien de causalité entre, d’une part, les dépenses, les pertes ou les dommages visés par la demande et, d’autre part, la contamination résultant du déversement.

Un demandeur n’a droit à réparation que s’il a subi un préjudice économique quantifiable.

Un demandeur doit prouver le montant de la perte ou de son dommage en produisant des documents ou d’autres preuves appropriés.

Ce sont donc l’armateur , au travers de ses primes d’assurance, et l’importateur pétrolier, au travers d’une contribution à la tonne importée, qui financent
la protection des victimes en répercutant plus ou moins intégralement, les coûts induits sur le prix de vente des produits. Ce système fonctionne sans bonus-malus. Il mutualise ainsi les risques sans encourager les armateurs et importateurs à une plus faible accidentologie.

Le FIPOL possède lui-même un plafond global d’indemnisation par sinistre. En cas d’estimation de dommages supérieurs au plafond, il réduit les versements aux victimes au prorata du rapport entre le montant maximum disponible et le total des dommages reconnus.

Le saviez-vous ?

Le problème du lien

Touché par une marée noire, un éleveur de turbots perd une grande partie de son stock de deuxième année. Mais il parvient à sauver l’essentiel de son stock de première année en improvisant une circulation d’eau semi-fermée. Le reste de son stock de deuxième année, impropre à la vente, est détruit quelques mois plus tard par décision administrative. L’éleveur continue à entretenir et nourrir son stock de première année, qui semble avoir peu souffert.

L’année suivante, ces poissons sont gravement touchés par une maladie fréquente en élevage, qui se traite habituellement sans dommage majeur. D’autres élevages de la région, non affectés par la pollution de l’année précédente, subissent de fait des pertes minimes. L’exploitant est convaincu que ses pertes lourdes sont dues à un effet à moyen terme du pétrole, qui a fragilisé ses animaux. Mais comment prouver, un an après, le lien entre les pertes subies et la marée noire passée ?

Il n’y a pas de solution évidente à ce type de problème, qui conduit souvent à l’arbitrage d’un juge, dont chaque partie en cause va chercher à entraîner l’intime conviction.

Ce plafond s’est révélé bien trop bas pour faire face à une pollution majeure par fioul lourd. Pour que les opérateurs économiques touchés par la pollution de l’Erika soient indemnisés en totalité, il a fallu que l’État français et le groupe Total mettent volontairement leurs dépenses hors liste. De la même façon, à la rédaction de ce document, les versements lors de la pollution du Prestige sont limités à seulement 30 % des dommages pris en compte.

Une initiative européenne après la pollution de l’Erika a conduit à la création d’un fonds complémentaire de troisième niveau, qui est maintenant effectif pour les pays signataires dont la France. Si ce fonds avait été en oeuvre à la date du naufrage du Prestige, les versements actuels auraient pu avoisiner 90 % des dommages acceptés.


 

Le saviez-vous ?

Faire valoir ses droits

Pour aider les demandeurs d’indemnisation, le FIPOL a publié un manuel pratique à leur usage et met en place à chaque grande marée noire, dans la zone touchée, en association avec l’assureur du navire, un bureau d’information et de réception des demandes.Dans le cas de l’Erika, ce bureau était installé à Lorient. En France, dans le cas du Prestige, il était installé à Bordeaux. Les victimes disposent d’un délai de 3 ans après le sinistre pour faire valoir leurs droits et parvenir à une entente amiable. Au-delà, ils ne peuvent conserver leurs droits qu’en engageant une procédure judiciaire.

procédure et règlement amiables

Procédure et règlements amiables

Amoco Cadiz (16-3-1978, France)
Dans le cadre du régime en vigueur à l’époque, la responsabilité de l’armateur est limitée à 77 millions de Francs de l’époque (33 millions d’Euros d’aujourd’hui). Plutôt que de tenter d’établir la faute de l’armateur devant les tribunaux français afin de lever sa limitation de responsabilité, les autorités françaises et les victimes se tournent vers la maison mère de l’armateur qu’elles attaquent devant les tribunaux américains lors d’une procédure qui va durer 14 ans.

Tanio (7-3-1980, France)
C’est la première marée noire de grande ampleur que connait le FIPOL. La responsabilité de l’armateur est limitée à 11,8 millions de Francs de l’époque et celle du FIPOL est de 2 447 millions (au total 84 millions d’Euros d’aujourd’hui). L’indemnisation par le FIPOL se règle à l’amiable, cinq ans après l’accident. L’État français et le FIPOL engagent conjointement une procédure au tribunal de Brest contre l’assureur, l’armateur, le chantier naval ayant fait les dernières réparations et plusieurs autres parties prenantes. En 1997, un règlement extra-judiciaire permet au FIPOL de récupérer une partie de ses versements et à l’État français de compléter son indemnisation.

Aegean Sea (3-12-1992, Espagne)
La responsabilité de l’armateur est limitée à 1 121 millions de Pesetas de l’époque et l’intervention du FIPOL à 9 513 millions de Pesetas (au total 59,2 millions d’Euros d’aujourd’hui). Après un long processus de demandes d’indemnisations à l’amiable auprès du FIPOL et de recours simultanés devant les tribunaux espagnols avec jugements au pénal puis au civil, un accord global a été signé en 2002 entre le gouvernement espagnol et le FIPOL, réglant l’ensemble des désaccords qui subsistaient.

Braer (5-1-1993, Grande-Bretagne)
La responsabilité de l’armateur est limitée à 4,9 millions de Livres Sterling de l’époque et l’intervention du FIPOL à 50,6 millions de Livres (au total 97,4 millions d’Euros d’aujourd’hui). L’indemnisation amiable progresse rapidement jusqu’à la troisième année après l’accident, où des démarches devant les tribunaux écossais entraînent une interruption des paiements. En 2000, le retrait d’une réclamation du gouvernement britannique, pour ses frais de lutte, permet une reprise des versements et une clôture du dossier fin 2002.

Sea Empress (15-2-1996, Grande-Bretagne)
La responsabilité de l’armateur est limitée à 7,5 millions de Livres Sterling de l’époque, et l’intervention du FIPOL à 51 millions de Livres (au total 90 millions d’Euros d’aujourd’hui). Comme pour le Braer, les règlements amiables n’étant pas achevés trois ans après l’accident, des poursuites judiciaires sont engagées par les réclamants contre l’armateur, l’assureur et le FIPOL. L’autorité portuaire de Milford Haven voit par ailleurs sa responsabilité mise en cause à travers la compétence du pilote mis à disposition du navire. Fin 2004, 36,8 millions de Livres d’indemnités avaient été payées conjointement par l’assureur et le FIPOL, tandis que les procédures continuaient.

 


www.marees-noires.com