Catastrophes et boulettes de pétrole

La quasi-totalité du pétrole transporté par voie maritime parvient à bon port. Mais il arrive qu’une défaillance technique ou humaine, souvent dans des conditions météorologique extrêmes, fasse que toute ou une partie de la cargaison se déverse dans la mer. La marée se fait alors noire.

Si l’on demande à une classe d’évoquer ce qu’exprime pour elle le terme « marée noire », la première image qui vient est celle d’un superpétrolier éventré, déversant des centaines de milliers de tonnes de pétrole sur le littoral proche. Deux cas récents seront facilement cités par les élèves : les drames de l’Erika et du Prestige. Les catastrophes de L’Amoco Cadiz en France et de l’Exxon Valdez en Alaska pourront également être abordées car elles ont marqué la mémoire collective. D’autres accidents, moins graves mais qui ont fait l’actualité sur le moment, pourront aussi être évoqués, comme l’échouement du pétrolier caboteur Jessica aux Galápagos. Dans tous les cas, la description des élèves se centrera, en général, sur les images de la télévision et de la presse :des vagues noires qui viennent souiller les rochers et les plages, des oiseaux ou des phoques englués, épuisés, qui attendent la mort, des hommes en cirés maculés qui pataugent et luttent dans des espaces infinis recouverts d’une matière visqueuse.

Les coupables sont évidents : les pétroliers géants, vite qualifiés de pétroliers de la honte. Ils longent les côtes de trop près pour arriver quelques heures plus tôt à destination sur les instructions d’armateurs anonymes, avides de gain et insouciants de l’environnement, cachés derrière des pavillons de complaisance.


Arrivage d’une nappe de pétrole importante

C’est seulement après cette première vague d’images choc qu’il devient possible de chercher à faire sortir d’autres idées des mémoires, en lançant des questions comme : vous avez pensé aux pétroliers, mais une marée noire peut-elle résulter d’un déversement accidentel à terre ? D’une explosion sur une plate-forme de forage ? D’un naufrage de chalutier ou de cargo ? D’un acte de malveillance ? D’une guerre ? D’où viennent les boulettes, galettes ou plaques de pétrole que l’on trouve régulièrement sur certaines plages ou certaines côtes rocheuses ? Pour vous, cela fait-il partie des marées noires ?

 

Ces questions déclenchent inévitablement des réponses discordantes, des prises de position. Un élève pourra citer une grande marée noire provoquée autrefois par l’explosion d’une plate-forme de forage dans le golfe du Mexique. Un autre pourra évoquer la marée noire provoquée par le sabotage des puits de pétrole koweïtiens pendant la guerre du Golfe. Un autre encore parlera de pétroliers coulés par des missiles pendant la guerre Iran-Irak. Le mot « dégazage » pourra être prononcé, en relation avec la présence de taches de pétrole sur les plages.

Peu importe en fait les images évoquées par les élèves, du moment qu’elles leur permettent de dépasser la seule vision d’une marée noire catastrophique provoquée par un superpétrolier. Les marées noires peuvent être grandes ou petites. Elles peuvent résulter de phénomènes accidentels (naufrage, collision, échouement, explosion) ou chroniques, de l’inconséquence des hommes ou de leur violence, de défaillances techniques ou de catastrophes naturelles. Elles peuvent venir du large, se produire sur le littoral lui-même, ou provenir de l’intérieur des terres par les fleuves. Elles font partie du vaste ensemble multiforme de la pollution des eaux, qui nous concerne tous et qui met en jeu notre responsabilité vis-à-vis des générations futures.

Témoignage suite à la catastrophede l’Amoco Cadiz.
(Source : exposition itinérante Catastrophes maritimes. Erika, en ligne sur le site de l’Espace des Sciences de Rennes)

« D’abord l’odeur du pétrole partout, dans le vent, dans les maisons, rien d’autre comme odeur à des kilomètres à la ronde que celle du pétrole. Puis en arrivant près de la côte le silence. Le vent souffle mais ne soulève aucun écho sur la mer.
Une fois les dunes passées, on sait pourquoi la mer est muette. Elle est comme alourdie, fatiguée, elle est au bout du rouleau. Péniblement elle lève une vague molle et sombre, couleur chocolat noir. On dirait qu’elle va crever, ne plus bouger et que ce sera fini. Les gens de la côte sont là, à son chevet, murés dans leur silence, K.-O. debout. »


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