Modification progressive
Un pétrole est un mélange de plusieurs milliers de molécules, pour l’essentiel des hydrocarbures en grande majorité insolubles dans l’eau et plus légers qu’elle. Une fois le pétrole déversé, un phénomène d’étalement en surface s’engage aussitôt. Il tend, par mer calme, à constituer un film huileux de quelques dixièmes de millimètres à quelques millimètres d’épaisseur.
Le saviez-vous ?
Un litre de pétrole peut couvrir une surface égale à la moitié d’un terrain de football.
(Source : WALKER J., MAWET D.-P. Les marées noires : leurs origines et leurs effets sur l’environnement et l’homme)
Les mouvements de l’eau cassent ce film en nappes qui dérivent en surface, séparées par des zones d’eau libre et, pour partie, en gouttelettes qui se dispersent dans les premiers mètres de la colonne d’eau. L’air, le vent, la lumière, la houle, l’eau elle-même influent sur ces nappes par toute une combinaison d’effets physiques et chimiques : évaporation, émulsification, dissolution, oxydation, sédimentation. Des organismes aquatiques interviennent pour casser biologiquement les molécules de certains hydrocarbures. Lorsque le produit est sous forme suffisamment divisée : la biodégradation commence.
L’évaporation affecte les composés volatils, générateurs de l’odeur de pétrole accompagnant une marée noire. Ce sont pour l’essentiel des produits que nous connaissons comme des gaz (méthane, éthane, propane, butane...) et des solvants (benzène, toluène...). En quelques heures, un quart, un tiers, parfois jusqu’à la moitié du volume déversé part ainsi dans l’atmosphère, sous forme de gaz et d’aérosols. L’évaporation se fait d’autant plus vite que les températures sont élevées et les vents forts. La masse d’hydrocarbures présente dans l’eau est réduite, la densité du polluant restant augmente et provoque une pollution atmosphérique qui peut être conséquente.
Récupération de « mousse au chocolat »
En même temps, suivant la viscosité du pétrole et les conditions météorologiques, le brassage des nappes par la houle peut provoquer en quelques heures à quelques jours un phénomène d’incorporation d’eau dans l’huile. C’est l’émulsification inverse qui génère un produit stable, comparable en structure à la mayonnaise. La part d’eau incorporée varie entre le cinquième et les quatre cinquièmes du volume total de l’émulsion ce qui augmente considérablement le volume de polluant à récupérer. Le produit résultant, appelé
« mousse au chocolat » pour son aspect, n’est pratiquement plus dispersible. Après plusieurs semaines de dissolution et de dégradation chimique de ses composants, cette « mousse » donnera naissance à des résidus qui peuvent dériver des mois en mer avant d’être déposés sur les plages sous la forme de boulettes de pétrole.
La dissolution concerne une toute petite partie des composants du pétrole, essentiellement des produits aromatiques (benzène, toluène...). C’est un phénomène
10 à 100 fois plus lent que l’évaporation.
La dissolution des composés évaporables est donc en général extrêmement faible.
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Les hydrocarbures, l’eau et la mousse au chocolat : c’est le titre d’un document publié par Environnement Canada sur son site web : www.ec.gc.ca/
Ce document fournit en particulier des explications pour
simuler une expérience de déversement écologique.
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Devenir du pétrole déversé dans l’eau
Les processus d’oxydation interviennent en pleine eau sur les gouttelettes et surtout en surface sur les nappes. Il s’agit alors dans ce cas d’une photo-oxydation. Quels qu’ils soient, les processus d’oxydation sont lents. Ainsi, la photo-oxydation, directement liée à l’intensité de l’éclairement et à la finesse des nappes, dégrade journellement moins d’une chaîne hydrocarbonée sur mille sous un soleil intense.
Vieillissement de pétrole en polludrome :
formation d’une « mousse au chocolat »
La sédimentation affecte la petite fraction des produits les plus lourds, dont les boues de fond de cuve, qui tombent dans les profondeurs de la mer. Ce phénomène se produit sur le long terme et concerne, en général, une faible part du déversement (moins d’un vingtième), sauf pour des pétroles très épais et très lourds tels que celui de l’Erika et du Prestige.
La dégradation biologique ou biodégradation est un processus beaucoup plus lent que les précédents. Les organismes biodégradants sont essentiellement des bactéries (micro-organismes) naturellement présentes dans le milieu marin. Elles s’installent et se multiplient à la surface des gouttelettes, des nappes et de la « mousse au chocolat ». Les bactéries absorbent certains hydrocarbures et les utilisent comme source d’énergie métabolique. Vivant dans l’eau et utilisant de l’oxygène, elles agissent à l’interface entre l’eau et le pétrole. Elles sont donc beaucoup plus efficaces sur de fines gouttelettes largement dispersées que sur une épaisse « mousse au chocolat » ou sur les produits lourds qui se déposent au fond et s’incorporent
dans les sédiments. Leur multiplication massive au moment d’une pollution peut se faire au détriment d’autres espèces, générant ainsi des modifications de l’équilibre écologique des zones affectées.
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Biodégradation d’hydrocarbures